L’amphithéâtre dans lequel je me trouve est bondé en cette fin de matinée. Il est bientôt l’heure de midi et je songe à l’idée que la plupart des élèves qui sont devant moi ne désire qu’une chose c’est sortir de la salle pour aller se restaurer. Je remarque sans mal les esprits qui divaguent et les chuchotements qui s’accentuent. Cependant je continue mon exposé, sachant pertinemment qu’au moins une bonne partie de mon assemblée m’écoute malgré tout. Mon regard se relève de mes notes jusqu’aux premiers rangs, ou je crois un regard qui m’est étrangement familier. Je la savais ici, dans ce cours, dans cette pièce mais croiser son regard est pour moi semblable à un supplice dévorant mes désirs les plus primitifs. Le souvenir de nos ébats avant que je ne sache qu’elle était mon élève me revient en écho dans mon esprit et j’ai la soudaine impression de perdre pied. Je déglutis lentement, reposant mes yeux sur mes notes, brisant ma phrase en plein milieu pour me reprendre et continuer mon récit. J’occulte alors la présente de Tess Cooper, élève de mon cours, qui par une nuit de nouvelle année fut mienne et qui depuis a laissé une trace indélébile sur mon corps et dans mon âme. Je la désire ardemment et je me restreins alors à tout contact avec elle pour ne pas céder à la tentation de la posséder encore et encore jusqu’à perdre haleine. Elle est d’une beauté renversante et possède une conversation envoûtante qui fait que je rêve d’elle depuis plusieurs mois et que je pense à elle chaque jours que je passe dans ses couloirs.

Mais mon statut de professeur m’interdis de succomber à la tentation qu’elle représente. Cinq mois donc que je me frustre en la voyant et je m’évertue à penser à autre chose qui me permettrait de reprendre le cours de ma vie. Mon discours reprend après un rapide raclement de ma gorge et je termine lentement mon exposé jusqu’à ce que des voix féminines ne s’élèvent dans l’assemblée, m’interrompant une nouvelle fois. Quelle ne fut pas ma surprise, bonne ou mauvaise de remarquer l'objet de tous mes désirs en train de perturber la suite et fin de mon cours.

Faire cours à des étudiants n’est jamais simple, c’est même une tâche ardue parfois. Qui plus est lorsqu’ils arrivent à un âge où les cours deviennent de vraies passions pour certains et un vrai calvaire pour d’autres qui songent plus à stopper leurs cursus qu’à poursuivre. Pour ma part, j’ose espérer que ma passion personnelle se transmet au travers de mes récits et de mes cours. Mais il arrive parfois que les esprits se dissipent et qu’ils entraînent alors des conversations qui n’ont rien à faire dans un cours d’histoire des civilisations anciennes.

C’est justement ce qu’il est en train de se passer alors que je suis en proie à des pensées malvenues à propos d’une élève qui me hante, certains profitent de mes quelques secondes d’inattentions pour enclencher une conversation et ce n’est que lorsque je reprends mon récit que je suis interrompu par la voix de Tessa, énervée, qui s’en prend à deux de ses camarades. Je m’arrête alors de parler et un silence s’impose dans la salle alors qu’elle semble prendre ma défense sur un sujet qui n’a rien à voir avec le cours avant de les remettre les deux demoiselles à leurs places. Les deux jeunes femmes me regardent un instant avant de regarder Tessa à nouveau, comme tout le reste de l’assemblée. Pour ma part, je suis surpris mais une pointe de fierté s’immisce en moi alors que je me retiens coûte que coûte de ne pas aller l’embrasser sur le champ pour sa fougue et son côté rebelle qui me plaît plus que tout. Et puis, alors que quelques rires s’ajoutent à l’assemblée, je me racle la gorge pour reprendre le contrôle de mon cours :

« hum, hum ! Je pense que maintenant que Miss Cooper s’est exprimé sur une question qui n’a rien à voir avec le cours, nous allons pouvoir reprendre celui-ci dans le calme. Veillez à ne plus le perturber mesdemoiselles, merci. Bien… Les récits et les écrits qui ont été découverts ces dernières années… »

Je reprends mon cours, non sans un regard vers l’objet de mes désirs qui semble désolée d’avoir parlé si fort. Je ne lui en veux pas le moins du monde mais le dire à voix haute serait faire preuve de favoritisme et ce n’est pas du tout ce que je veux laisser transparaître. A la place, je préfère donc reprendre mon récit et retrouver le calme jusqu’à ce que la sonnerie ne retentisse pour signaler la fin du cours.

« Bien, pour la prochaine fois, je veux que vous faisiez des recherches sur l’Egypte Ancienne, cela sera notre prochain sujet et je compte bien interroger plusieurs d’entre vous alors révisez bien. Pour ceux qui auraient des questions, je reste dans mon bureau jusqu’à 19h30. »

Je croise à nouveau le regard de Tessa qui hésite à venir me voir dès la fin du cours. Je ne bouge pas d’un cil et finalement reposes mon regard sur mes notes en me rendant compte qu’elle sort de la salle sans venir me voir. Elle n’ose plus venir vers moi et je n’ose plus aller vers elle. Cela me désole dans le fond mais peut-être est-ce mieux ainsi.

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18h30. Je suis dans mon bureau depuis quelques instants, les cours de la journée viennent de se terminer et après un rapide passage dans la salle des professeurs, me voilà dans mon bureau personnel où sont entreposés une bonne partie de mes recherches mais également des livres par centaines. Le rangement n’est pas mon fort mais la taille de la pièce n’aide en rien. Au mur se trouve des étagères pleines de livres qui sont stockés dans tous les sens avec une petite échelle pour accéder aux étagères les plus hautes. Mon bureau est encombré par des artefacts et autres objets en tout genre ainsi que par mon ordinateur portable. Il y a également deux fauteuils qui trônent devant une table basse ou des journaux et des écrits sont posés nonchalamment. Des livres traînent également sur le sol, certains ouverts, d’autres en piles, faute de place dans les étagères. La pièce est heureusement éclairée par une fenêtre mais étant donné l’heure de début de soirée, l’ambiance y commence à être sombre. Je m’arrache alors les yeux sur un livre tout en descendant de l’échelle lorsque l’on toque à la porte :

« Entrez. »

J’attrape alors rapidement la lumière de mon bureau pour donner un peu plus de luminosité alors que le visage navré de Tessa passe la porte…

Inspiration pour le bureau:

Le début de soirée est d’ores et déjà entamé lorsqu’elle pousse la porte de mon bureau mais voir son visage, même désolé, est une véritable source de lumière et de joie pour moi. Cette jeune demoiselle est d’une beauté à couper le souffle pour moi et même si la relation que nous avons eu en début d’année est désormais à proscrire, je ne peux m’empêcher de penser à elle de cette manière. Le flashback de notre nuit sulfureuse me revient en mémoire alors que je me fondais en elle dans un soupir de désir et qu’elle s’extasiait, les cheveux en cascades, ondulant sous mon va-et-vient passionné. Je me racle la gorge d’une légère gêne sous mes pensées indécentes pour finalement la saluer à son tour comme elle me mérite :

« Bonsoir Mademoiselle Cooper, est-ce que votre journée a été agréable ? »

A la vue de son air triste, j’ai une petite idée de la réponse mais néanmoins, je me dois de lui poser la question par courtoisie en plus que par souci de son bien-être. Sa réponse ne se fait pas attendre alors que je descends les dernières marches de l’échelle avec lenteur tout en gardant mon regard doux posé sur elle. La fin de sa phrase m’arrache un sourire malgré la vulgarité de ses propos. Elle est franche et directe et c’est en partie ce qui me plaît chez elle. Posant le livre que j’ai dans les mains, je m’avance vers elle d’un pas lent tout en gardant une certaine distance malgré tout :

« Vous n’avez pas à vous excuser pour votre comportement mademoiselle. Sachez que la démarche pour prendre ma défense m’a touché, d’autant plus que votre démarche actuelle. »

Je m’approche encore malgré moi et conserve sur elle un regard tendre :

« Les deux demoiselles qui sont à l’origine de cette interruption n’ont pas daigné me présenter des excuses alors j’apprécie d’autant plus les vôtres même si ce n’était pas la peine… »

Un faible sourire s’affiche sur mes lèvres alors qu’un petit mètre de distance nous sépare désormais. En un pas, je pourrais la prendre dans mes bras. En un pas, je pourrais glisser ma main sans ses cheveux en même temps que mes lèvres se poseraient sur son décolleté. En un pas… Pas que je ne fais pas, puisque je suis son professeur et non son égal. Je me racle soudainement la gorge en songeant à mes pensées perverses la concernant et brise ce regard que j’osais alors poser sur elle. Gêné, je bredouille quelques mots :

« Puis-je vous aider pour autre chose ? Quoi que ce soit ? Tessa… Euh Mademoiselle Cooper ? »

Savoir qu’elle est dans mon bureau à cette heure de la journée quelque peu tardive pourrait me donner des idées particulières mais je fais tout mon possible pour rester le professeur respectable que je suis et qui ne saute pour sur ses élèves. Même si en réalité, je le sais, il y en a qu’une qui est dans ma tête et qui hante mes pensées et elle est actuellement face à moi. Je souris à ses paroles, elle est toujours d’une gentillesse agréable avec moi, même si je la sais rebelle et parfois impulsive.

« Très bien pour ma part, je vous remercie. »

Tout en descendant de ma petite échelle, je la regarde en train de s’excuser mais elle n’en n’a nul besoin à mes yeux. Elle n’a rien fait de mal et n’a fait que défendre ma personne ainsi que mon cours. Il me serait bien mal aviser de la réprimander. D’autant plus que je l’ai déjà affichée le matin même. Je tiens avant tout à la rassurer puisqu’elle semble penser qu’elle m’a manqué de respect :

« Je n’ai pas eu le sentiment que vous m’ayez manqué de respect alors ne vous en faites pas, je vous assure. Tout va bien. »

Je la regarde et l’espace d’un instant, mon regard se perd dans le sien, et se perd également sur son visage, sur ses lèvres, sur son corps. L’instant est bref, mais il est bien présent et je me languis de sa peau, de son odeur, de ses gémissements et de son corps tout entier. Nous n’avons passé qu’une simple nuit ensemble mais elle était – et de loin – la plus belle nuit de toute ma vie. Je n’arrive plus à défaire Tessa de mes sombres pensées obscènes et je n’arrive plus à l’oublier pour passer à autre chose. Il n’y a qu’elle à mes yeux et elle n’est pas accessible. L’instant est terminé et ma raison reprend le dessus en me raclant lentement la gorge et en lui demandant si elle désire autre chose venant de moi. Une part de moi, la supplie silencieusement qu’elle me demande de la prendre pour l’embrasser et la combler de désir mais cette part est trop silencieuse pour s’exprimer à voix haute. A la place, je garde les yeux sur mon bureau jusqu’à ce que sa vois retentisse de nouveau dans la pièce.

Ses requêtes sont tout à fait légitimes et j’acquiesce d’un hochement de tête pour reprendre mon porte document tout en lui répondant :

« Oh oui, bien entendu. »

Je cherche le document que j’ai en tête avant de lui tendre :

« Je… J’ai … tout écrit ici… Voilà… Tenez. »

Je lui tends une double page agrafée qui contient des notes tapées à l’ordinateur ainsi que des annotations écrites à la main.

« C’est mon exposé de ce matin. Quasiment mot pour mot. Je n'ai pas pour habitude de le donner mais ainsi vous aurez tout le loisir de le relire et de mieux comprendre ce qui vous a peut-être échappé. »

En tendant la feuille à Tessa, ma main frôle la sienne et mon regard se perd à nouveau quelques secondes avant que je me reprenne pour passer près d’elle et la contourner afin d’aller chercher deux livres dans ma bibliothèque et dans mes livres empilés.

« Pour les recherches sur l’Egypte Ancienne que j’ai demandé, je peux vous conseillez ces deux ouvrages qui sont très intéressants. »

Je reviens vers elle, absorbé par les livres que j’ouvre pour lui montrer le passage :

« Regardez, ils ne sont pas tout jeunes mais ils ont des belles enluminures et des explications très poussées.»

Je pose le livre devant elle sur le bureau et sans m’en rendre compte, j’ai brisé le mètre de distance que je m’étais jusqu’alors imposé. Ma tête non loin de son épaule, je lui montre les passages que je trouve passionnants tout en lui expliquant :

« Ici, ils parlent des conditions des ouvriers, et … oh ici ils expliquent les embaumements. Ce livre est une mine d’or… Cela vous aidera j’en suis certain dans vos recherches… Mais … Faites-y attention… »

Ma main caresse les pages en même temps que je lui explique et tout en reprenant la couverture pour le refermer je me rends soudainement compte de la proximité :

« Ils sont devenus fragiles… … Est-ce que cela… vous ira ? … »

Mon regard dévie sur son visage qui est tout près du mien et je déglutis avec difficultés…

« Made… moiselle… Cooper… »

Mon instinct me somme de l’embrasser et d’oublier toutes les règles que je m’imposais jusqu’alors mais ma raison me retient avec de plus en plus de difficultés….

« Tessa… Je… »

Lire dans ses yeux de la culpabilité me touche même si, de mon point de vue, cela n’était pas nécessaire, me touchait profondément. Elle n’avait nul besoin de s’excuser et en même temps, je la remerciais intérieurement de l’avoir fait et de m’avoir permis de la voir seul à seule. Je tiens alors à la rassurer sur un point qu’elle m’expose et qui pour moi serait impossible à mettre en place :

« Il ne me viendrait jamais à l’esprit de vous renvoyer de mon cours, Mademoiselle Cooper… »

La conversation dévie sur la fin du cours et les devoirs que j’avais donnés. Visiblement perturbée par mon recadrage et les papotages de ses camarades, Tessa semble avoir été distraite. Je lui accorde donc une fleur en lui laissant mon cours, chose que je ne fais jamais, et en lui prêtant des ouvrages qui devraient l’aider dans ses devoirs, chose que je ne fais jamais non plus. Mais c’est mademoiselle Tessa Cooper, c’est celle qui a fait de mon nouvel an, un rêve éveillé et de ma vie actuelle un endroit de damnation de par sa simple présence. La voir et la sentir si près de moi alors que je lui parle des livres me fait quelque chose.