En r'tard, en r'tard, j'ai rendez-vous quelque part.
feat.   @Zelda Thomas   

Si le retard avait eu un nom, cela aurait aisément pu être Ezekiel Sutherland. Quoi qu’il fasse, le blond était systématiquement en retard, ne serait que d’une minute ou deux. Tellement qu’en général,si on voulait qu’il arrive en temps et en heure, on lui disait toujours de se pointer au bas mot un quart d’heure en avance. Et ses proches avaient pour habitude de dire qu’il serait en retard à son propre enterrement. Il en riait facilement à présent. Il avait tout essayé, les multiples rappels, prévoir un quart d’heure de marge voire même plus… Rien n’y faisait, il y avait toujours un aléa qui venait s’immiscer dans l’équation et il n’arrivait qu’à l’extrême limite de l’heure. C’était un miracle qu’il n’ai pas encore eu d’ennuis avec ses retards, pour le moment rien de plus qu’une tape sur les doigts qu’il s’était prise.

Le plus embêtant, c’était pour le club de plongeon. Il venait de rater ou d’arriver en retard à plusieurs sessions pour diverses raisons, dont probablement une seule restait valide : il avait passé du temps à la bibliothèque de l’université à plancher sur un devoir qui lui donnait plus que du fil à retordre, il avait juste voulu éclaircir quelques points pour n’avoir ensuite qu’à corriger de menus détails et l’heure avait tourné sans qu’il s’en aperçoive. Il n’aimait pas quand cela s’enchainaît comme ça. Il n’avait pas envie que les autres pensent qu’il n’avait que faire du club, c’était même l’inverse, surtout que l’année n’était pas très avancée.

« Non, non, non. » 

Il avait à peine eu le temps de passer récupérer ses affaires à la Zeus House et de partir au pas de course  qu’il avait remarqué l’heure. C’était déjà trop tard. Il était arrivé au niveau de la piscine quand il avait remarqué que tout un groupe s’en éloignait. Il avait essayé de reconnaître les gens du club, mais de dos comme ça, il n’avait pas reconnus qui que ce soit. Il avait remarqué une jeune femme qui sortait du bâtiment. Il n’était pas absolument sûr qu’elle fasse partie du groupe. Avec un peu de chance, il serait en avance, pensait-il. Il lui arrivait encore de penser qu’il pouvait être en avance.

« Eh ! Excuse moi ? » 

il était arrivé au niveau de l’étudiante. Il ne ferait sans doute probablement pas la meilleure des premières impressions à débouler de la sorte, les cheveux en pagaille et l’allure un peu dépenaillée à cause de sa course.

« S’il te plait, dis-moi que la séance du club de plongeon n’est pas terminée ? » 

Il avait deviné, avant même qu’elle ne lui réponde que ce n’était pas le cas.

« Rah non, je me suis perdu dans un devoir de sémiologie et je pensais que j’étais certes en retard mais pas à ce point. » 

Un grognement blasé, si jamais une telle chose existait, lui avait échappé.

« Je m’appelle Ezekiel, au fait. Zeke. » 

Enfin, ce n’était pas compliqué de retenir son nom puisqu’il était généralement le dernier à arriver/ Mais contrairement à certains de ses camarades étudiants, ce n’était jamais stratégiquement, ni une envie de se faire remarquer. Non, en général il essayait de se faire discret. Mais là, ses meilleurs amis auraient été avec lui qu’ils auraient probablement échangé un billet parce que l’un d’entre eux avait parié qu’un jour il raterait totalement une séance. Ce n'était donc pas forcément nécessaire de se présenter, toutefois, il préférait être courtois, surtout qu'il avait un peu alpagué la demoiselle sans plus de cérémonie. Un bien mauvais départ, peut-être.

En r'tard, en r'tard, j'ai rendez-vous quelque part.
feat.   @Ezekiel Sutherland   

Il y avait toujours cet instant précis. Celui pour lequel je vibrais d’impatience d’une séance à l’autre. Celui pour lequel, presque, je vivais. Le reste du temps j’étais bien des êtres différents, dévoilant aux gens qui surgissaient dans le paysage de ma vie la facette que j’imaginais la plus susceptible de leur plaire. Parce qu’en un sens c’était ainsi que j’avais été élevée : être la gentille petite fille de ses célèbres parents. Je sais bien que ce n’est en rien leur faute et je me sais injuste -peut-être même bien un peu ingrate, de leur en vouloir pour ce qui n’est qu’en partie leur faute mais…

Mais J’ai dix-neuf ans et je suis encore et toujours réduite à n’être que leur fille, la dernière de ma fratrie et n’oublions pas : la plus chanceuse des personnes d’être tout cela. Ce n’est d’ailleurs pas faux et j’en ai douloureusement conscience. Mais trouver sa place dans  ces conditions est difficile. Très difficile même. Elijah malgré ses errances avait fini à la tête de son équipe chez les soldats du feu. Ariel était un maître queue à qui tous prédisaient un avenir radieux et Dorcas que j’adorais brillait au firmament des gens au grand cœur. Autant dire que pour me démarquer en étant la dernière de cette lignée de caprices talentueux j’ai du creuser ! En art j’étais si peu douée que cela en devenait risible. Quelque soit l’art j’étais une catastrophe ! Mais en sport… là, oui ! Nager était une chose que j’adorais. Mais plonger… plonger ! Ça, ce fut une révélation !

« Zelda ! hurla une femme dans le début de sa quarantaine et tandis qu’elle courait vers moi Tu as pu réfléchir à ce dont nous avions parlé la dernière fois ? »

Pour être honnête je n’avais même jamais fait que cela. L’idée d’aller flirter avec ces profondeurs si proches de l’abysse que l’on devait en oublier jusqu’au monde lui-même ? Mais qui n’aurait pas été tenté ! Mes doigts qui se resserraient un peu plus sur la bandoulière de ma besace et qui, comme à chaque fois que j’étais nerveuse, en griffaient l’étoffe. Ma tête qui se mit à opiner pour donner une réponse que mes lèvres mirent quelques secondes de plus à pouvoir énoncer.

« Je veux bien essayer, oui.»

Déjà ma coach s’enthousiasmait mais je me chargeais de la tempérer lorsque je précisais, me dandinant d’un pied sur l’autre et en peinant à trouver où poser les yeux

« Mais je ne sais pas si je pourrais m’engager pour toute une année. J’ai déjà le plongeon, ce plongeon ci je veux dire.»

Mon interlocutrice tentait de le cacher mais je sentais l’excitation de la victoire monter en elle. Et elle avait raison : je voulais faire de la descente en apnée. Je le désirais vraiment. Mais, comme je tentais de lui opposer d’une voix si ténue que je peinais à m’entendre moi-même : j’avais aussi si ce n’était même surtout mes cours à suivre. Je ne pouvais pas me permettre de me planter. Encore moins depuis que j’avais claqué la porte de chez mes illustres et riches parents. Je les aimais. Mais bien mieux de loin. Et je savais que malgré mon insistance pour qu’ils me laissent me débrouiller toute seule ils continuaient à ne pas m’écouter. Ils alimentaient mon compte. Au début j’avais tenté de les rembourser. Mais ils me viraient le double. Alors j’avais simplement renoncé. De guerre lasse. Mais cela ne me confortait que plus encore dans mon envie de m’éloigner d’eux. Pour me trouver moi je devais les perdre eux. Des arguments plus que recevables mais qui n’infléchirent en rien la détermination du coach à me convaincre de me jeter à l’eau. Ah… Ah… Ah… Je n’ai jamais eu le sens de l’humour.

« Qui ? Moi ?»

Un peu décontenancée par cette interpellation je me retournais une fois sur ma droite. Puis une fois sur ma gauche. Mais ne voyant personne je dus me rendre à l’évidence l’étrange individu aux cheveux aussi blonds qu’ils semblaient voués à ressembler à un plumeau d’ananas me parlait à moi. Mes cils qui papillonnèrent plusieurs longues, très longues secondes avant que je parvienne à déchiffrer ce qu’il me disait. Mon pouce qui se retournait pour mieux indiquer la piscine derrière moi

« A moins que tu ne sois un enfant de dix ans particulièrement précoce niveau développement musculaire je pense que tu as en effet loupé l’entraînement.»

Je gardais pour moi le fait que cela avait mis la coach dans un état d’agacement proche de celui d’un champignon nucléaire.  

« L’entraînement durant deux heures tu me vois carrément perplexe là : pour toi à partir de combien d’heures de retard cela devient impardonnable ? Non parce que si un jour on devait sortir ensemble toi et moi je saurais à quoi m’attendre.»

Je vous avais dit que je n’avais aucun humour. Pouffant comme une enfant fière de sa bêtise je le regardais quand il se présenta.

« Je sais. Enfin plutôt je me doute vu que ton prénom a été hurlé sur à peu près tous les tons durant l’entraînement. Et crois-moi la coach a donné des images bien précises de ce qu’elle entendait faire à certaines parties de ton anatomie ! Les autres garçons du cours en ont tous grimacé d’un même élan c’était très rigolo !»

Me décidant enfin à lui tendre la main je lui avais souri

« Zelda. Zelda Thomas. dégageant la chaîne à mon cou je révélais mon trésor : les clés du royaume des ondins et sirènes que nous sommes Quelques uns des menu avantages que présente le fait d’avoir été désignée capitaine.»

Je me détournais de lui et m’en retournais vers la piscine ne m’arrêtant qu’une fois la main sur la porte.

« Je croyais que tu voulais t’entraîner. Tu attends un carton d’invitation peut-être ? »

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feat.   @Zelda Thomas   

Zeke s’était encore fait prendre de court par le rythme infernal des aiguilles des montres. Un instant il avait largement le temps de boucler son devoir avant de rejoindre le club de plongeon. Un clignement d’œil plus tard et il était plus qu’en retard. Il s’était hâté de se rendre à la piscine mais tous les indicateurs semblait hurler qu’il était là bien trop tard, mais Zeke ne voulait pas vendre la peau de l’ours trop tôt. Après tout, une personne était en train de s’éloigner, c’était peut être le groupe ou le cours d’avant. Pour une fois, peut-être qu’il allait avoir un peu de chance. Il avait apostrophé la jeune femme qui semblait quitter les lieux, plus sèchement que prévu sans doute à cause de son essoufflement – traverser le campus à la course n’était pas vraiment le genre d’échauffement qu’il aimait.

La jeune femme le doucha immédiatement. Il avait raté l’entraînement, il allait se faire voler dans les plumes une fois de plus.

« Non, j’viens de fêter mes treize ans. » avait-il rétorqué du tac au tac avant de grogner.

Une fois de plus son allergie aux montres avait fait son œuvre. Il avait haussé les sourcils.

« J’sais pas quand j’ai rencard je suis toujours prêt en avance ? Pourquoi, tu recherches un petit copain ? »

Aux mots suivants de la plongeuse, Ezekiel avait grimacé. Il n’avait aucun problème à imaginer ce que la coach pourrait faire et à quelles parties de son anatomie.

« Outch. Va vraiment falloir que je campe à la piscine pour les prochaines séances. »

Il n’avait pas envie de se foirer. Le club lui importait autant que ses études. Mais la ponctualité était sa bête noire, qu’importe à quel point il se démenait il semblait incapable d’arriver à l’heure voulue. Et bien évidemment, c’était la capitaine de l’équipe qu’il avait apostrophé de la sorte. Les deux pieds dans le plats plutôt que dans le pédiluve, c’était tout Zeke. Il avait grimacé.

« Je dirais bien enchanté, mais hum… Je fais pas la meilleure impression du monde c’est ça ? »

Zelda. Il aimait bien son prénom. Il parvint à se mordre la langue avant de sortir quelque chose d’aussi stupide que est-ce que Link est dans les parages. Il était chanceux d’etre tombé sur elle plutôt que sur la coach. Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle retourne vers la piscine.

« Euh… Ouais. Mais tu viens pas de finir l’entraînement ? »

Il ne savait pas si la demoiselle serait partante pour un deuxième entraînement. Et il était plus que certain qu’il ne valait mieux pas le laisser seul dans la piscine. Il se hâta de rejoindre Zelda.

« Ok, comment je peux te remercier ? Petit dej ? Ciné ? Tout ce que tu voudras. »

Zeke aurait bien promis d’être à l’heure aux prochains entraînements, mais il se connaissait trop bien, il y aurait forcément un couac à un moment où un autre. Et après le geste de la capitaine, il n’avait pas envie de la décevoir. Il était allé se changer pour ensuite rejoindre le bassin et il était aussi prêt à se donner à fond pour cet entraînement, ça ne vaudrait pas des excuses pour son … absence, parce que clairement deux heures de retard sur deux heures de séance ça n’était plus vraiment du retard comme Zelda l’avait souligné. Il était résolu à s’entrainer jusqu’à ce que son corps demande grâce ou que la capitaine ait pitié de lui.

« La coach était vraiment aussi remontée que ça ? Tu crois que je peux me rattrapé ou j’ai grillé toute mes chances ? »

C’est vrai qu’à le voir comme ça, toujours à la bourre, on pouvait douter de son réel intérêt pour le club, et pourtant, il adorait venir à la piscine. Se retrouver dans l’eau et surtout plonger. Donc oui, il voulait se rattraper.

En r'tard, en r'tard, j'ai rendez-vous quelque part.
feat.   @Ezekiel Sutherland   

« Je ne sais pas si tu as réellement aussi peu d'années au compteur - mais en ce cas je suis au regret de t'annoncer que tu fais bien vieux - mais une chose est sûre tu en as encore la puérilité. Et je t'épargne d'ajouter la bêtise.»

Les mots ne s'écoulaient pas tout à fait de la manière dont je l'aurais souhaitée. Quand ils avaient jaillis dans la boîte en os qui me sert de tête ils étaient taquins, saupoudrés d'un peu de malice et enrobé d'une fine couche de bienveillance parce que la douceur, au fond, il n'y a que cela de vrai. Mais quelque part en chemin mes bonnes résolutions s'étaient perdues, et si j'avais été un canidé alors le pauvre blondinet apparemment allergique aux montres se serait vite retrouvé avec un mollet en moins. Bien triste spectacle, non ?

« Pourquoi, intéressé ?»

Honnêtement cette bouille de fripouille ferait mieux de se taire, et vite, sinon je ne voyais guère que trois issues possibles à notre entrevue et aucune ne me semblait intelligente. La première nous finissions en tandem de chiffonniers nous arrachant les tignasses. Nous ferions la risée de nos camarades et mes parents hurleraient de voir les videos tourner sur les réseaux. La seconde, nous nous quitterions fâchés et la rancoeur chevillée à nos cœurs. Tant et si bien que l'année serait des plus pénibles au sein de l'équipe de plongeons. Nous perdrions toutes nos compétitions et nous finirions en parias amers et chauves. Oui, l'envie de lui arracher au moins un bout de son joli scalp doré était tenace ! Ou, troisième possibilité... Derrière nos agressivités se cachait en réalité une irrésistible attirance un peu en mode la Belle et le Clochard. J'aurais bien dit la Bête mais avec sa tête de canaille je le voyais plus en Clochard. Mais la façon dont je nous imaginais rouler au sol, nos chevelures emmêlées - faudra vraiment que je songe à parler de mes obsessions capillaires à mon psy lors de ma prochaine séance - n'avait cette fois rien de catholique. Disons que mon père se serait sûrement étouffé, Kendall aurait ri et Dorcas m'aurait fait jurer de toujours sortir couverte. Ce à quoi j'aurais évidemment répliqué en hurlant de rire intérieurement que je ne sortais jamais sans mon parapluie et une petite laine pour le cas où les températures chuteraient. J'adore jouer les ingénues.

« Ca dépend qui parle ? Pour un gosse de treize ans tu t'en serais honorablement sorti. Pour un étudiant adulte tu m'as plutôt filé des envies de te noyer ! Peut-être même dans le pédiluve pour que la mort soit honteuse.»

Une pose outrageusement dramatique, un haussement d'épaules et un clin d'oeil pour démentir mes propos et enterrer la hache de guerre puis je lui proposais de me suivre pour un entraînement improvisé et privé. Je ne pensais sincèrement pas qu'il accepterait l'ayant visiblement trop promptement classé dans la catégorie de ceux qui parlent beaucoup et agissent peu. Ne pas toujours se fier aux premières impressions !

« Oublie le cinéma. Genre vraiment et à jamais. Rien que l'idée de pouvoir tomber sur un film de l'un de mes parents me fout les poils !»

Et c'était vrai comme en témoignait ce fin duvet si pâle à mes bras pas plus épais que des allumettes. Un sac que je jetais alors que nous arrivions près des bassins et ma tête que je tournais vers lui en même temps que je m'asseyais pour ôter mes chaussures.

« Tu veux me remercier ? Alors grimpe et montre moi ce que tu sais faire.»

Je lui désignais le plongeoir le plus bas, à trois mètres. Ne l'ayant encore jamais vu à l'œuvre que ce soit lors d'un entraînement à sec ou dans l'eau je ne voulais pas prendre de risque. Ses muscles, hormis son sprint inutile, étaient froids et quand bien même la coach avait de violentes envies de le renvoyer elle était aussi élogieuse sur son potentiel. Je dois bien admettre que j'étais impatiente de voir ce qu'il en était vraiment. Déjà douchée et changée je m'étais précipitée vers ce bout de granit suspendu dans les hauteurs et où le sang pulsait plus vite à mes tempes comme à mon coeur.

« Je commence ! Et j'annonce un 5152B !»

Toute discipline avait son jargon et nous n'échappions pas à la règle. Et je venais donc de prévenir que j'entendais effectuer un double saut périlleux et un demi avant avec une vrille en position carpée. L'une de mes combinaisons préférées et pour lesquelles je travaillais depuis longtemps. Vraiment très longtemps. Mon corps fendait déjà l'onde sans que j'ai eu le temps de profiter réellement de mon vol. La liberté a toujours un goût de trop peu.

« Alors ? Tu me donnes quelle note ?»

Je me rapprochais du bassin et me hissais sur le rebord en le regardant et en agitant mes boucles détrempées.