together we are stronger
feat.   @Liam Peterson   

Le stylo qui tournoyait entre ses longs doigts, l'extrémité ne ressemblant plus à rien tant elle en avait mâchouillé le plastique. Ses yeux qui glissaient sur la surface aveuglante et bleutée de son écran. Les mots, ses tous premiers et plus fidèles amours, s'étaient alignés avec une difficulté qui la surprenait autant que l'agaçait. Bien plus qu'elle ne consentait encore à le reconnaitre. Sa main gauche, la seule avec laquelle elle consentait à boire son café qui s'en allait à la recherche de son mug préféré. Et tant pis s'il se trouvait être le plus monstrueux qu'il lui ait jamais été donné de voir avec sa teinte criarde qui eut fait fuir même un flamand rose et sur laquelle la tête du Ken de Barbie s'étalait. Goût plus que douteux, à des galaxies des siens, mais qui les avait bien faits rire Liam et elle quand ils les avaient reçus.  

Liam... Amusant comme il suffit parfois d'un simple prénom pour que... La sonnette à la porte de ce placard à balai qui lui servait de gîte et voilà l'étudiante qui sursautait de surprise, envoyant valser au sol le si magnifique prix que son ami et elle avaient décroché dans une baraque de la foire. Une levée de fonds pour "Reporters sans frontières" et une rencontre pour le moins épique. Le hasard d'une tombola et voilà le journaliste à la plume piquante contraint de devoir faire équipe, le temps d'un jeu, avec l'étudiante aux mots souvent mouillés d'acide. Des rires qui résonnaient encore parfois dans l'esprit de la jeune femme. Des pensées échangées dans un sourire et juste avant qu'une blonde ne vienne briser la singulière magie d'une rencontre. Sa fiancée et, très accessoirement la fille de la rectrice de l'université. Kaimana se souvenait d'en avoir eu un léger pincement contrarié à ses lèvres avant que de tourner le dos et les talons, abandonnant en son sillage les futurs mariés. Franchement, à les observer ensemble c'était à peine si elle les aurait imaginés amis. Alors amoureux... Pour ce que cela lui importait en vrai !

« Préviens ta Barbie que Mon Ken vient de finir existence sur le sol de mon salon. Paix à son anse et si tu me suis tu pourras assister à la cérémonie funéraire pour lui dire adieu.»

Un grand sourire, ses yeux qui pétillaient de leurs plus éclatants feux et quasiment une oraison pour tout accueil à celui qu'elle devança le laissant fermer la porte de son sublime clapier à lapine. Un deux pièces mais où  tant de choses avaient été entassées, gerbées ou abandonnées que cela ressemblait un gigantesque et branlant capharnaüm du genre brocante ou vide grenier. Une fois les trois pas faits l'on sortait du couloir pour mieux se trouver devant le plus cornélien des choix : à droite une chambre avec une vue certes réellement lumineuse et jolie et où trônait un lit aux dimensions aussi gigantesques que ne l'était le singe en peluche trônant en son centre et semblant n'attendre que sa maîtresse pour mieux le prendre dans ses bras mais à gauche se trouvait le cœur du foyer en ce moment constellé de débris tranchants de ce mug mort au champs du déshonneur des sursauts de celle maintenant accroupie alors qu'elle ramassait ses bêtises.

« Voilà ce qui arrive quand tu débarques sans avoir l'intelligence de me prévenir que tu comptes passer tsss !   fit-elle si bien mine de grogner quand le sourire à ses lèvres venaient dire tout l'inverse J'aurais pu ne pas être présente ! Ou, plus comique encore : en si charmante compagnie qu'il m'eut été difficile de te répondre ! Quoique ça eut été plus qu'improbable...»

Un silence et le jade de ses prunelles qui s'assombrissait l'espace d'un battement de son cœur en miettes. Une grimace et les débris ordonnés dans sa pelle elle s'était relevée. Deux pas pour rejoindre le bar américain séparant l'espace à vivre de celui où cuisiner. Pas même un de plus pour atteindre la poubelle et une simple rotation sur elle-même pour laver ses mains.

« A six heures ce matin mon réveil se mettait au travail en crachotant les dernières nouvelles. Mauvaises mais qui cela était surprend il encore ?»

Deux mugs qu'elle sortait de son placard et le râtelier à capsules caféinées qu'elle poussait vers son ami et, quelque part, mentor afin qu'il choisisse son dopant

« A six heures et quart très précisément ma chaudière me lâchait. Et à sept heures ma voiture tombait en panne. Cinq minutes plus tard j'appelais mon petit ami qui m'annonçait qu'il me plaquait.»

Un rire qui lui échappait alors qu'elle achevait de préparer ces petits cookies vegan qui accompagneraient leurs cafés. Venant s'asseoir à même le sol, sur son tapis moelleux. Son mug qu'elle tendit à celui qui lui était devenu précieux. Comme mentor bien sûr. Seulement. Ou... Secouant une seconde la tête pour mieux chasser des idées saugrenues en train de naître dans on esprit elle avait désigné du menton son Mac.

« J'ai une pige à faire sur le restaurant où ta fiancée est cheffe.»

Une moue boudeuse qui vint faner ses lèvres un instant avant qu'elle ne la noie dans ce café qu'elle dégusta à petites gorgées. Des heures. Deux jours même qu'elle s'arrachait presque les cheveux en se demandant quoi écrire. Elle n'y arrivait pas. Vraiment pas ! Pourtant elle connaissait les lieux, y étaient même venue plusieurs fois pour y manger. Et elle avait malheureusement adoré ! Les plats étaient bien plus fins que ce que n'en laissait présager le lieu à la réputation disons plus roborative niveau assiette. Les aliments d'une fraîcheur et d'une qualité qui en feraient verdir plus d'un chef étoilé. Pourtant les mots se dérobaient sous ses doigts et malgré des heures et des heures passées à s'entêter Kaimana n'avait pas écrit une seule ligne.

« Dis-moi... Tu ne voudrais pas m'aider ? S'il te plaît ?! Je suis incapable d'être objective sur ce coup là et si je m'écoutais le restau de ta chérie je le coule à pic...»

Parce que Kaimana, sous ses airs revêches et ses réflexions mordantes, était quelqu'un de foncièrement honnête. Et qu'elle tenait assez au journaliste pour ne pas supporter qu'on puisse lui mentir ou lui causer du tort. Soudainement le café n'avait plus le moindre goût si ce n'est celle de l'amertume d'un secret trop lors à porter. Les yeux qui se baissaient et les doigts qui venaient triturer les fils du tapis.

« Ca ne me regarde pas alors tu as tous les droits de m'envoyer chier mais ... Ta cheffe prétendument si parfaite... Tu l'aimes à quel point ?»

Pour savoir en combien d'éclats se briserait le cœur de Liam quand il découvrirait que la femme de sa vie n'était peut-être pas aussi irréprochable qu'elle semblait l'être. Connasse, oui !