together we are stronger
feat.   @Phoebe Jenkins   

Avant même que la portière ne s’ouvre je savais que j’étais attendue. Le crépitement des flashs ayant survécu à l’avènement du numérique. Les voix de ses fans qui s’impatientaient de me voir venir les saluer et, pour les plus chanceux, poser pour quelques selfies ou signer quelques autographes. Des prénoms qu’on me confierait et que je ferais répéter tant j’aurais du mal à les saisir. Puis un homme, au sourire suffisamment aimable pour masquer ses dents acérées, viendrait me prendre par la taille pour me susurrer au creux de l’oreille qu’il était l’heure d’y aller. Je devais me préparer. Je savais. Ce soir se tiendrait l’une de ces rarissimes soirées où même le gotha britannique et les A-listers new-yorkais n’avaient pas leur place. Ce soir seuls les happy few du monde du cinéma avaient droit de cité. Alors que je foulais de mes sneakers - des Off White je vous prie- j’aperçus d’ailleurs l’un des rares acteurs que je puisse réellement considérer comme mon ami : Jude Darcy. Je le saluais amicalement et allais le rejoindre quand je me figeais en voyant une femme le rejoindre. Et celle-ci était bien trop jeune pour être son épouse. Préférant laisser le couple en paix je me dirigeais vers les ascenseurs quand j’aperçus mon invitée. Déjà arrivée Phoebe m’attendait sagement installée sur l’une des confortables banquettes du lobby.

« Toi ! Je te déteste !»

Je feignis de grogner alors que je courais vers elle et la prenait dans mes bras. Peut-être un poil trop brusquement. Un doigt sous son menton pour mieux le relever et l’observais avec jalousie.

« Pas encore maquillée, pas même d’un voile de poudre et tu es resplendissante. C’est une injustice de plus de mère Nature !»

Puis la prenant par le bras je l’entrainais a ma suite vers cet ascenseur qui nous conduisit jusqu’à cet étage où derrière chaque porte se préparaient ces hommes et ces femmes qu’aucun producteur n’aurait jamais les moyens de réunir dans un même film. Et bien que je ne m’explique pas comment ni pourquoi il semblerait que je sois de ce club des plus confidentiels. Alors que je passais ce salon où bourdonnaient mes assistants, maquilleurs, coiffeurs et même joaillers je m’arrêtais et tendais son enveloppe à mon amie.

« Ton blanc-seing ma toute belle. Ce soir tu dîneras à côté de Tim Burton et si tu as de la chance tu pourrais même croiser Andrew Garfield je sais qu’il sera présent ce soir. Si tu veux je te le présenterais ? Il semble me souvenir que tu l’aimais bien non ? »

Évidemment qu’elle l’aimait bien ! Déjà parce que tout le monde aime Andrew ou, du moins, tous les gens ayant bon goût. Ensuite parce que cette sublime blonde et moi nous connaissions trop bien pour que j’ignore le fait qu’elle avait un temps eu un gros béguin pour lui. Et si cela pouvait faire plaisir à ma meilleure amie de le rencontrer alors rien ne pourrait m’empêcher de le faire. Phoebe était mon phare, mon roc. L’amie qui me connaissait au-delà même des mensonges que je me racontais à moi-même. L’amie qui méritait qu’on lui offre le monde.

« Alors avant que les abeilles de la ruche d’à côté ne viennent nous transformer en princesses selfies ready… Si tu me disais comment tu vas ? J’ai tenté de te joindre toute la semaine mais apparemment tu étais trop occupée pour me répondre. Tout va bien dans ta vie ?»

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feat.   @Phoebe Jenkins   

Mon prénom, que j’entendis crier. Un journaliste, assurément. L’un de ces êtres qui me faisaient rêver tant rêver que j’avais longtemps ambitionné de les rejoindre. D’avoir épinglée au revers d’une veste style saharienne cette carte de presse qui aurait fait de moi l’une de ces soldats de l’information, l’une des héroïnes de la vérité que j’imaginais si naïvement pouvoir combattre l’injustice et le crime. Phoebe avait d’ailleurs plus d’une fois eu un petit sourire poli tandis que je l’assommais de mes fantasmes et me rêvais en Loïs Lane. Heureusement pour moi j’avais échappé à une idylle ridicule avec un homme en collants moulant -et pas qu’au niveau des mollets je vous prie- et malheureusement aussi j’avais découvert la face la plus hideuse du journalisme.

« Si jamais un seul de ces vautours cherche à t’alpaguer congédie le d’un mot poli. Mais si jamais cela ne suffisait pas alors dis le moi : cela fait un moment que mes toutous n’ont pas eu un tibia à ronger.»

Des mots que je prononçais sans même me cacher et tandis que nous rejoignions cet ascenseur où nous nous étions engouffrées pour mon plus grand plaisir. Enfin seules -à l’exception de ce groom qui accueillit mes propos d’un sourire amusé- j’ôtais mes lunettes de soleil pour mieux venir poser le bleu de mes yeux sur mon amie.

« Un jour, ma chérie, je vais te traîner devant l’un de mes amis photographe et peut-être que lui tu le croiras quand il te dira que tu es une créature exquise ?»

Tout comme Phoebe connaissait les raisons de mon inimitié viscérale pour les journalistes je connaissais sa fragilité, son manque de confiance flagrant en elle. Mon amie m’avait ramassée à la serpillère encore plus qu’à la petite cuillère quand des fouilles-merdes étaient venues nous harceler mon père et moi après le décès de Maman. À l’époque c’était à mon père que j’en avais voulu et de lui font j’avais fini par m’éloigner en saisissant l’opportunité de partit travailler sur un film. Mon premier vrai, grand et surtout bon rôle. Celui qui me valut les louanges des critiques comme du public. Celui sans lequel Phoebe et moi ne serions pas là ce soir.

« Andrew et moi nous connaissons depuis  Tik Tik Boom où j’aurais du jouer si je n’avais pas été déjà bookée. Mais là…»

Mes yeux qui se mirent à luire tandis que je lui offrais  un scoop pour lequel plus d’un journaleux aurait pu payer pour l’avoir

« Nous bouclons tous les deux nos projets en cours puis nous commençons à tourner, ensemble, le prochain film de Tim !»

La réaction de tantôt de mon amie, si spontanée et joyeuse, m’avait arraché un rire franc et je n’avais pas hésité une seconde à la serrer dans mes bras. Lui rendant ce baiser qui aurait pu aisément faire jazzer je battis outrageusement des cils avant que de lui proposer

« A ce sujet… Un petit rôle, pas grand chose mais tu aurais quelques lignes et surtout une scène avec Andrew cela te dirait ?»

J’attendis la réaction, mes oreilles prêtes à endurer l’euphorie de celle à qui j’aurais offert le monde si je l’avais pu. Parce que les amitiés comme la nôtre sont trop rares pour ne pas être célébrées chaque fois que cela est possible.

« Ce soir, en l’honneur de toutes les Barbie du monde, je propose du rose !»

De toute manière le succès du film de Greta Gerwig était tel que ne pas se balader en rose était depuis devenu une faute de goût absolue ! Mes doigts qui commençaient à farfouiller sur les portants sous l’oeil inquiet de mon styliste qui connaissait mes goûts parfois bien trop prononcés pour les associations souvent bien trop malheureuses. Une toux légère mais toute aussi péremptoire quand je m’apprêtais à opter pour une tenue.

«  Si tu as un doute sur ta tenue demande à Law les studios le paient des fortunes pour éviter que je ressemble à un clown !»

J’avais bien des talents tout le monde en convenait mais certes pas celui de savoir comment m’habiller. Au debut je l’avais plutôt mal vécu et les critiques sur mes hérésies vestimentaires m’avaient plus d’une fois blessée. Maintenant j’en riais franchement. Une robe de shantung que je me décidais à enfiler et mon amie que je regardais les yeux plissés

« Il faut que je sache. Pourquoi acceptes-tu ce genre de stage toi dont les initiales suffisent à faire de toi un membre du gotha britannique ?»

Sans compter que ces histoires de bizutage n’étaient pas vraiment pour me rassurer ! Mon amie était fragile et je n’aimerais pas qu’on puisse abuser de sa gentillesse ou exploiter sa douceur.

« Si jamais ton patron à gueule de beau gosse -oui, je me suis renseignée- te fait la misère je peux faire de sa vie un enfer tu le sais hein ?»

Un clin d’oeil et me voilà qui laissait une partie de l’essaim se jeter sur ma tignasse et ma face de troll. Tandis que je haussais les épaules devant la question de mon amie.

« Rien de passionnant. Enfin… je me suis encore faite trompée et larguée. Les médias ne parlent que de cela. Et l’on me prête une aventure avec Jude Darcy. Foutaises.»

Non, je ne couchais pas avec Jude. En revanche possible que j’entretienne une relation étrange avec un homme encore plus étrange.