@Themis Bercow

Lorsqu’elle s’était éveillée ce matin-là il lui avait fallu plus d’une poignée de minutes pour s’échapper des bras de Morphée et se souvenir de l’endroit où elle se trouvait. Léger inconvénient hérité de ses pérégrinations mais qui la faisaient plus rire qu’autre chose. Après tout les chiens ne font pas des chats et sur ce plan au moins Themis était bien la digne fille de ses parents ! Un bougonnement et un juron qui s’élevaient de la chambre adjacente et les lèvres de la jeune femme qui s’étiraient en un sourire amusé : sa colocataire était un phénomène. Pour être franche elle n’avait pas crû possible que leurs caractères -si différents que pour ainsi dire presque opposés- puissent s’entendre ou même se tolérer pourtant l’instinct lui disait aujourd’hui qu’elles finiraient probablement amies. Deux vieilles filles râleuses qui câlineraient leurs chats en se goinfrant de scones. Le tout en crachant bien évidemment sur le dos des hommes qui auraient eu le mauvais goût de leur briser le coeur. En parlant de cela. Un téléphone qu’elle se redressa pour mieux attraper et un texto qu’elle n’hésita pas même à envoyer. A @Antoine Beauchamps

Juste envie de te souhaiter une belle journée. Et, oui, ce matin je me réveille et je pense à toi. Étrange, non ?  

Un sourire qui s’était fait plus grand, plus tendre aussi alors qu’elle effleurait le mot « envoyer» de son écran tactile. Quelques secondes qu’elle se surprit à vouloir encore passer au lit, les yeux dansant avec la lézarde qui courait au plafond. Ses lèvres qui chantonnaient tout bas l’un de ses airs préférés. Et en son sein son cœur qui battait. Un peu plus fort peut-être bien.

« Salut Audren ! Je te dérange ? »

L’homme à qui elle devait la vie et qu’elle avait joint ensuite. Cela lui faisait presque bizarre de lire sur son passeport ce patronyme qui avait toujours été le sien mais dont elle ne faisait usage que depuis sa majorité. Quand elle s’était sentie assez mâture et indépendante pour demander à Audren le droit de le porter. Lui qui avait permis sa naissance mais n’avait jamais été que ce père par interim ou en pointillés qu’elle avait appris à connaitre au détour de ces moments qu’ils parvenaient à voler au temps et à leurs emplois du temps respectifs. Elle ne lui en avait jamais voulu, vraiment pas. Themis comprenait l’importance de son métier et puis elle adorait cet autre homme avec qui sa mère avait fini par faire sa vie. C’était lui, ce beau-père adorable, qu’elle appelait « Papa ». Parce qu’un papa était celui qui était là quand il fallait soigner les genoux écorchés, sécher les larmes ou aider à reviser les verbes irréguliers. L’homme qui l’avait conçue et qu’elle rejoignait pour déjeuner elle l’appelait par son prénom. C’était tout aussi affectueux et cela lui était, pour l’instant du moins, bien plus facile.

« On dirait que je tiens ma ponctualité de toi. avait-elle dit de sa voix posée alors qu’elle arrivait en effet Cela me fait plaisir de te voir.»

L’hôtesse d’accueil décelât elle ces ressemblances qui faisaient d’eux un père et sa fille ou, comme souvent lors de leurs rencontres, les prendrait elle elle aussi pour des amants ? Vue la moue un brin méprisante à son regard la réponse semblait une fois de plus malheureusement évidente. Sans s’en préoccuper elle avait suivi son père alors qu’on les conduisait à leur table. Commandant un verre de Chardonnay pour apéritif elle avait remercié le serveur puis une fois celui-ci éloigné elle avait demandé

« Tu avais l’air légèrement contrarié au téléphone ? Tu vas bien ? Pas de soucis au travail au moins ?»

Puis savourant une gorgée de ce verre qui lui avait été servi à la température idéale elle avait poursuivi

« Maman et Papa te passent le bonjour et demandent quand tu comptes passer leur rendre visite en Australie ?»

Enfin, et bien abritée derrière la carte qu’elle tenait haut relevée elle avait murmuré l’air de rien et sur le ton le plus badin

« Au fait… au cas où tu en entendrais parler… Il y a un article sur des influenceurs qui feront leur génération dans le Vogue à sortir. Possible que je sois dedans. Possible aussi que je pose avec Antoine. Le génie du ballon rond.»

Une toux et la carte qui s’abaissait pour mieux laisser voir ses joues rougies.

« J’ai une faim de loup ! Pas toi ! »