together we are stronger
feat.   @Elijah Meisel   

« Merde ! Merde ! Merde ! Putain de merde !»

Une bordée d'injures qui s'échappait de ses lèvres alors que le hurlement de l'alarme menaçait à chaque seconde d'exploser dans l'air. Réfléchir, il fallait qu'elle réfléchisse ! Tabitha lui avait cent fois répété ce fichu code. Elle la revoyait même la taquiner en lui disant que, vue sa tête de linotte qu'elle se traînait depuis son arrivée en Angleterre, le noter pourrait être une bonne idée. Rabattant d'une main la capuche de son hoodie, frottant sa nuque de l'autre, la femme ne cessait de sautiller d'un pied sur l'autre. Comme si cela avait pu l'aider à faire remonter à la surface de sa mémoire ce satané code ! Bon sang ! Hier encore elle était capable de mémoriser des bases entières de données juste après les avoir compulsées une seule fois et aujourd'hui elle était incapable de se souvenir de seulement quatre chiffres ?!

« Fais chier !»

9 6 8 7 Non, toujours pas. C'était sa sixième tentative et son sixième échec ! A la prochaine erreur la sirène déchirerait l'air et le voisinage serait -tout comme la police- alertée. Le premier était déjà en alerte comme en témoignait trop bien cette silhouette que Hazel avait remarquée il y avait déjà un moment. Madame Matclusky de ce dont elle se souvenait. Quand Tabitha l'avait ramenée chez elle la commère en chef du quartier était déjà en train de les épier depuis derrière ses rideaux. Quand la blonde l'avait saluée la fouine à fourrure argentée et aux yeux vairons s'était décidée à quitter sa tanière pour mieux venir se présenter. Et tenter, le temps d'un thé, de lui tirer les vers de nez. Elle arrivait d'Israel ? Saleté d'étiquette sur son sac ! Et c'est qu'elle avait des bons yeux la vieille chouette ! Elle venait pour le plaisir ? Ou pour le travail ? Ni l'un ni l'autre avait répondu l'intéressée. Le plus ironique étant sans doute qu'elle s'était montrée plus franche avec cette bique fripée qu'elle ne l'était avec ses plus proches amis.

« Putain ! Mais bien sûr ! Je suis conne !»

2 3 0 8 La date qui aujourd'hui encore faisait monter le rose aux joues de celle qui soupira son soulagement quand le voyant passa au vert et que le cliquetis d'ouverture de la grille se fit entendre. De l'autre côté de la rue le spectacle semblait avoir perdu de son attrait et la silhouette s'en était retournée à son morne quotidien. Elle remontait la petite allée de gravier menant à la maison de Tabitha quand elle avait senti un frisson glacé remonter à son échine. Quand on a grandi au milieu des membres du club on apprend vite à se montrer vigilant. Trop, d'après son thérapeute. Une moue gênée à ses lèvres et l'envie de le contacter. Ce médecin était différent de nombre de ses collègues qui ne faisaient jamais que brasser de l'air et empocher ses chèques. Lui, avait vraiment voulu l'aider. Et il y était parvenu. Hazel avait ri tout bas : il aurait été le premier à analyser sa fuite. Sans doute aurait-il même compris sans qu'elle ait rien à dire les raisons de ce qui ne pouvait être décrit que comme la plus parfaite des disparitions. Eut elle orchestré sa mort que le résultat aurait été le même. Moins probant peut-être même bien.

Dès chaussures qu'elle ôtait, son sac à dos qu'elle déposait dans l'entrée de la maison. De toute leur bande Tabitha était sans doute celle qui avait le mieux réussi. Du moins si le bonheur se mesurait au nombre de millions dormant sur ses comptes et au vernis si rutilant des apparences. Mais ce que Hazel voyait, elle, c'était une immense maison décorée avec un gout exquis, meublée avec ce que le marché faisait de mieux en cet instant. Mais le tout, s'il aurait aisément pu figurer dans les pages d'un magazine d'architecture d'intérieur, semblait impersonnel. Tout juste hanté par la solitude d'une âme. Hazel comprenait en réalité. Son amie pouvait bien éluder, en rire ou nier farouchement il lui manquait. Pendant toutes ces années elle avait fui son coeur. Dans les études puis le travail. Dans les amours illusoires f'un soir et les regrets amers des lendemains chagrins. Oh oui ! Hazel ne pouvait que comprendre elle qui...

« Allez... Crache le morceau : comment m'as-tu retrouvée ?»

Trois solutions. Il y aurait pu en avoir quatre mais elle doutait fort que Zipporah et lui aient jamais gardé contact après leur... moment d'égarement ? A ce sujet là elle n'avait jamais compris. Ni jamais pu oublier, malheureusement. Ne restait donc plus que trois candidats. Tabitha aurait pu mais elle aurait eu trop peur -et à raison- des représailles. Tomer aussi mais elle aurait été déçue et se refusait encore à l'envisager. Restait Liev. Ce satané sapajou trop rêveur et trop gentil ! Oh oui ! Elle pariait sur lui !

« C'est Liev ?»

Un haussement d'épaules comme pour mieux évacuer une réponse qui lui importait peu. Un soda qu'elle alla se chercher sans songer une seconde à lui en proposer un : Elijah était bien assez grand pour se débrouiller tout seul non ? Un cigarette qu'elle sortit de son étui et porta à ses lèvres.

« Contente de t'avoir vu. Maintenant sois mignon et dégage ! Et ferme la porte derrière toi !»

Pas d'humeur à discuter apparemment.