together we are stronger
feat.   @Tomer Klarsfeld   

Ce genre de meetings avait depuis longtemps perdu de son attrait. A la fin, toutes ces sauteries se ressemblaient. Des gens, généralement à l'abris de tous besoins, se réveillaient un matin avec une douleur aussi singulière qu'étrange chevillée à leurs chairs mais surtout à leur âme : la culpabilité. Parce qu'ils étaient bien nés. Parce qu'ils remplissaient leurs assiettes sans se soucier un seul instant de ceux qui peinaient à seulement boucler leurs mois avec des pâtes. Comme si, à certains moments, la réussite et la richesse devenaient trop lourdes à porter. Alors ils organisaient une soirée qu'ils appelaient levée de fonds et pendant laquelle ils priaient leurs amis tout aussi bien nés qu'eux à venir enchérir sur des lots offerts par de généreux sponsors. Des fonds qui allaient à une cause ou à une autre. La plupart du temps les organisateurs s'en contrefichaient tout ce qui importait étant d'acheter la paix de leur conscience. Plusieurs millions cela aide.

« Liev Saada ! Sale petit chenapan ! Si jamais je meurs de peur après ce baptême de l'air dont je ne voulais pas je jure de revenir te hanter ! Pourquoi me suis-je laissée convaincre déjà ?!»

Des mots qu'elle soupirait pour mieux les laisser glisser jusqu'à la messagerie de son meilleur ami. Le forain et elle s'étaient rencontrés alors qu'ils n'étaient que des enfants, et que son diplomate de père était en poste en Israël. Ils avaient grandi ensemble tous les trois. Zipporah, Liev et elle. Quand le temps du déménagement avait fini par venir Tabitha avait plaidé sa cause pour rester. Il y avait un très bon pensionnat et elle y serait bien. Les négociations furent âpres mais fructueuses et ses amis et elle purent terminer leur scolarité ensemble. Ce fut l'université qui les sépara. Tabitha rejoignit le MIT où elle brilla et posa les bases de ce qui depiis est devenue Golem Inc. Un monstre en matière de sécurité et d'intelligence artificielle. Malgré les inquiétudes suscitées par son champs d'action et sa croissance si rapide la société fera son entrée sur le Nasdaq. La petite poupée aux airs de porcelaine et dont on raillait les longues jambes et les manières trop douces était finalement devenue une femme d'affaires implacable. Sauf pour les rares êtres à avoir su lui demeurer proches. Liev étant le premier d'entre tous.

« Enfin, voilà... J'ai lâché un million pour soutenir ta cause. J'ai eu l'insigne chance de remporter le baptême de l'air avec ton pseudo super pote de la mort qui tue de l'armée. Donc je te préviens : si je rends mes tripes pendant un looping je t'en fais livrer une portion pour ton prochain petit déjeuner !»

Le pire ? Elle le pensait ! Tabitha n'avait qu'une seule peur dans la vie : voler. Etonnant de la part de quelqu'un qui passait sa vie entre deux aéroports et deux jets privés. Mais l'altitude la rendait malade. Ou, plutôt, c'était voler qui la faisait tant paniquer qu'elle en sentait ses tripes faire des noeuds. Alors pourquoi enchérir sur ce lot là ?! Par amitié évidemment ! Que la peste soit de l'amitié !

« Pour la peine, et si je survis, tu me devras un repas. Et tu en profiteras pour me dire qui est ce canon avec qui je t'ai vu sortir du cinéma l'autre jour ?! Tu étais si hypnotisé que tu ne m'as même pas vue ! Tu as raté ma plus belle interprétation d'un sémaphore !»

Elle allait raccrocher quand elle vit un homme sortir du hangar devant lequel son mystérieux pilote et elle avaient rendez-vous. Tabitha comprenait bien mieux l'insistance de son ami pour qu'elle enchérisse sur ce lot précis. Son coeur qui explosa de joie à la seconde où elle reconnut le tranchant de la mâchoire, devina l'acier du regard derrière le fumé des verres.

« Tomer Klarsfeld. Si je m'attendais à te retrouver un jour.»

Des pas qu'ils firent chacun de leur côté pour se rejoindre au milieu et elle qui passait sa main à la nuque pour mieux que leurs visages se rapprochent. Un baiser au goût de nostalgie et de trop peu peut-être tant il fut bref.

« Toujours marié ?»

Après tout c'était bien pour cela qu'il l'avait plaquée. Le soir même de leurs deux ans de vie commune. Le soir de ses vingt-huit ans. Pour lui elle était retournée vivre en Israël. Après lui elle n'y était plus jamais retournée. Tabitha avait toujours dit qu'elle ne pouvait aller là où son coeur avait été assassiné.

« Alors ? Que deviens-tu depuis le temps ? Liev m'a dit que tu ne rempilais pas cette fois ? Pourquoi ? Madame Klarsfeld ne veut pas ?»